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Comité International Olympique et égalité des sexes: six trophées, un seul but

Comité International Olympique et égalité des sexes: six trophées, un seul but

Auteurice Marie Winzap, 28 avril 2019
Illustrateurice

 

Si les inégalités entre les sexes sont présentes dans tous les domaines, celui du sport est particulièrement touché. On le voit notamment avec des pratiques sportives et représentations genrées qui se perpétuent: en France, selon l’Institut EgaliGone, les filles de moins de 18 ans détenant une licence sportive sont seulement 3% à une posséder une en rugby, alors qu’elles sont 78% à en avoir une en gymnastique. Les jeunes sportives semblent donc avoir tendance à se cantonner à des disciplines encore vues commes traditionnellement féminines. De plus, l’Insee rapporte que trois fois plus d’hommes que de femmes participent à des compétitions, et ce dans tous les sports confondus. Le manque d’encouragements des athlètes féminines, mais aussi une sous-médiatisation des performances féminines, seraient des facteurs importants de cette invisibilisation systématique.

Le 19 mars dernier, le Comité international olympique (CIO), en partenariat avec l’ONU Femmes, remettait six trophées à des rôles modèles en matière de promotion de l’égalité des sexes et de la visibilité des femmes dans le sport. Cette cérémonie, mise en place depuis à présent dix-neuf ans répartit les six trophées de la manière suivante:  un au niveau mondial, un pour l’Afrique, l’Amérique, l’Asie, l’Europe et l’Océanie. Quatre femmes, deux organisations, six trophées, mais un seul but: la promotion de l’égalité. Petite présentation de celles qui font avancer la cause chaque jour.

 

Et le trophée mondial revient à: Po Chun Liu, la pionnière

«Tu es capable de faire absolument ce que tu veux.» Tels ont été les mots du père de Po Chun Liu alors qu’il l’entraînait tous les jours à pratiquer sa passion, le baseball. Mais à 13 ans, lorsque la jeune fille souhaite s’inscrire dans un club, on lui dit que dans ce milieu, les jupes ne sont pas autorisées. Po Chun Liu n’en fait rien, et s’engage comme volontaire au sein de la Little League BaseballParticipant aux camps d’été puis servant d’interprète lors de rencontres internationales, elle suit une formation d’arbitre de baseball. Mais en 2009, les autorités taïwanaises lui refusent l’arbitrage, sous prétexte que l’équipement n’est pas adapté pour elle. Ce sera l’équipe des «Yankees» de New York qui lui fournira le matériel nécessaire pour arbitrer.

Dans une interview donnée en 2017 à la World Baseball Softball Confederation, Po Chun Liu explique: «J’ai arbitré plus de 150 matchs, puis j’ai dit que je voulais devenir arbitre-cheffe. Mais on m’a dit que c’était impossible: une fille ne pouvait pas toucher la balle.»

 

 

Or, aujourd’hui Po Chun Liu est arbitre internationale. Fervente militante pour l’autonomisation des jeunes femmes par le sport, elle consacre sa vie à détruire les inégalités de genre. Elle a inspiré le documentaire She is an Umpire et la fiction The Busy young Psychic. Po Chun Liu est aussi lauréate du Golden Mask de l’école d’arbitres Harry Wendelstedt et a été sélectionnée en 2015 parmi les 10 personnalités taïwanaises qui luttent pour l’égalité femmes-hommes.  Elle raconte: «J’ai brisé le plafond de verre. Mon nom est Po Chun Liu et je supprimerai les discriminations liées au genre, pour que plus de femmes et de filles à Taïwan puissent avoir la possibilité de jouer au baseball.»

 

Trophée pour l’Afrique: Djatougbe Noameshie (Togo), celle qui empouvoit

Ancienne joueuse de l’équipe nationale de volley au Togo, mais aussi première femme arbitre internationale de Volleyball sur le continent africain, Djatougbe Noameshie a gravi les échelons et a joué un rôle décisif dans l’empouvoirement des femmes dans le milieu du volleyball: dix ans après sa nomination, 45 femmes sont aujourd’hui arbitres internationales. A travers le projet African Dream lancé dans plusieurs pays d’Afrique, Djatougbe Noameshie supervise et entraîne des jeunes filles et jeunes garçons âgéEs de 8 à 14 ans. En 2017, lors du festival de ce projet, à Lomé, plus de la moitié des joueurEUSes étaient des filles.

Dans son discours de la remise des trophées au siège de l’ONU, à New York, elle insiste sur l’importance du combat mené par les femmes sur le plan sportif: «la détermination, la confiance en soi et le courage sont très importants pour réussir et mener à bien tous ses projets. Le Trophée “Femme et Sport” me motive encore plus pour non seulement sensibiliser les jeunes filles sur l’importance de la pratique du sport, mais aussi sur les valeurs de l’olympisme: l’excellence, le respect, l’amitié.»

 

Trophée pour l’Asie: Saada Salim Al-Ismaili, celle qui rassemble

Saada Salim Al-Ismaili, originaire d’Oman, est directrice du département sport et femme du ministère des Affaires sportives, membre du conseil d’administration du Comité olympique d’Oman et titulaire depuis 2010 d’un Master en Tourisme et Loisir délivré par l’Université de Cardiff.

Elle réalise avec succès des programmes dans l’ensemble du territoire, visant à promouvoir l’enseignement et la participation des femmes dans le sport. Dans un sultanat classé 135e sur 145 en matière d’inégalités des sexes par le World Economic Forum en 2015, Saada Salim Al-Ismaili travaille étroitement avec les fédérations nationales d’Oman et les clubs sportifs pour former des équipes féminines. Dans son discours lors de la remise du trophée, elle ajoute: «Je me suis promis de mettre en avant des équipes et des femmes sur le devant de la scène depuis 1993.»

 

 

Elle a en effet identifié puis mis en avant des femmes athlètes qui font aujourd’hui partie d’une élite de haut niveau, et invite des anciennes championnes à encourager des plus jeunes en leur donnant des conseils: parmi elles, la joueuse de tennis omanaise Fatma Al Nabhani, les sprinteuses olympiques Buthaina Al-Yaqoubi, Mazoon Al-Alawi et la taekwondoïste Yusra Al Shukuriyah. Elle s’inscrit dans un mouvement égalitaire en progression dans le sultanat, et continue de lutter pour une meilleure visibilité des femmes omanaises dans le milieu sportif.

 

Trophée pour l’Europe: Morana Palikovic Gruden, celle qui est sur tous les fronts

Journaliste, ancienne athlète, Morana Palikovic Gruden est également à l’origine d’un projet national d’éducation spécialisée pour les femmes dans le sport, lancé par le Comité olympique croate dont elle est la vice-présidente. Ce plan, visant à une amélioration de l’égalité des genres dans le sport, a été mis en place de 2011 à 2015. La politique comportait une phase d’action et de mesures à mettre en place dans le sport pour améliorer la place des femmes et lutter contre les discriminations. Ce même plan réexamine les cadres juridiques existants et prévoit un modèle statistique de suivi des femmes athlètes. De plus, il cherche à augmenter le nombre de femmes dans les postes clés des organisations sportives.

Toujours avec la Commission Egalité des genres dans le sport, elle a dirigé le projet SUCCESS, d’envergure européenne, qui proposait aux femmes des outils pour appliquer de meilleure manière l’équilibre et l’égalité des sexes dans les prises de décisions au sein des structures sportives. Présente également dans les compétitions de patinage artistique, Morana Palikovic a organisé la plus ancienne et seule compétition internationale de patinage Golden Spin, cherchant à mettre en avant des seniors de la discipline. Superviseuse des championnats d’Europe de patinage artistique de 2008 à 2013, elle entraîne aussi des jeunes arbitres.

 

Trophée pour l’Océanie: Fédération de volleyball du Vanuatu, celles qui incluent

La Fédération de Volleyball du Vanuatu (VVF) a reçu le trophée pour l’Océanie en main de sa présidente Debbie Masaufakalo. En s’associant à l’organisation Oxfam en 2018, la VVF a montré le sérieux de son engagement sur les questions touchant au harcèlement sexuel. Elle organise avec l’aide de femmes policières la Journée du 8 mars pour mieux sensibiliser la population aux questions de genre. Selon la présidente, cela renforce les liens entre les femmes policières et les femmes civiles. Dans une interview donnée à la Fédération internationale de volleyball, Debbie Masaufakalo explique: «Si les gens ont besoin d’approcher des policierEs, ces dernierEs ont un visage amical. La population est moins effrayée et il en résulte une meilleure communication.»

En 2013, la Fédération a créé et s’occupe du Volley4Change (V4C), un programme qui se veut le plus inclusif possible en permettant à des femmes en situation de handicap de participer à des activités, allant du sport au leadership en passant par des cours sur la nutrition ou l’importance du bien-être général. Depuis le lancement du V4C, plus de 3’000 personnes issues de 25 communautés du Vanuatu ont participé à ce programme. L’équipe de beach-volley a d’ailleurs atteint un haut niveau de compétition internationale: elle détient le titre de championne au niveau océanique. Avec l’exhaustivité de son programme, la VVF n’a pas volé ce trophée.

 

Trophée pour l’Amérique: La Commission femme et sport du Comité National Olympique du Costa Rica (Comisión Mujer y deporte de Costa Rica), celles qui enseignent

Silvia González, présidente de la Commission femmes et sport du Comité National Olympique du Costa Rica a déclaré lors de son discours accompagnant la remise du prix: «J’aimerais vous faire part de mes pensées. Il est impossible d’atteindre nos buts en discriminant la moitié du genre humain. Pour gagner ce trophée, nous avons travaillé dur afin d’atteindre le cœur  des femmes costariciennes. Nous en sommes très fièrEs. Ce trophée est pour elles.»

 

 

Dans le rapport Gender Gap de 2018 établi par World Economic Forum, le Costa Rica occupe une position très favorable: sur les 149 pays examinés, il est placé 22e, soit deux places en dessous de la Suisse. Ce rapport propose un classement annuel de 149 pays concernant les améliorations concrètes en termes d’égalité hommes-femmes.

Les luttes de la Commission femmes et sport ne se limitent pas au Costa Rica. En effet, cette structure propose des formations très complètes en matière de combat contre les inégalités de genre. Parmi elles: l’autonomisation des femmes et la sensibilisation au harcèlement sexuel dans le sport, mais aussi le soutien à la création d’une loi pour prévenir et punir le problème. Le taux des femmes pratiquant une activité sportive est passé de 30 à 50%, et en moyenne 21 femmes occupent à présent des postes clés dans les fédérations et organisations costariciennes. Des ateliers visant à donner des outils dans la gestion de projet et le leadership sportif sont organisés dans les différentes provinces du pays.

Toutes ces femmes, ces organisations et leurs membres font indéniablement avancer la cause et s’inscrivent dans une lignée qui se veut la plus inclusive possible. Avant cela, en 2018, des femmes telles que Samar Nassar, deux fois championne olympique en 2018 pour la Jordanie, Rachel Muthoga, avocate pour la défense des droits humains au Kenya ou encore Lauren Jackson, pionnière du basketball en Australie, se sont aussi vu décerner les trophées “Femme et Sport” par le CIO. La visibilité des femmes dans le sport est sur la bonne voie.

 

Photos – © CIO

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