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ça avance au Palais fédéral?

ça avance au Palais fédéral?

Auteurice Catarina Cordeiro, 8 mai 2017
Illustrateurice
www.fh-ap.com

 

Au courant du mois de février, un article paraît dans Tribune de Genève. Il dévoile le sexisme présent dans le Palais Fédéral. Qu’en est-il aujourd’hui et qu’en pensent les parlementaires? DécadréE a essayé de contacter plusieurs parlementaires de différents contextes politiques. Nous avons reçu une réponse positive de la part de Liliane Maury Pasquier, Conseillère aux états pour le canton de Genève, Laurence Fehlmann Rielle, Conseillère nationale genevoise et Lisa Mazzone également Conseillère nationale pour l’État de Genève.

Décadrée : Une étude aux États-Unis montre que les jeunes filles de 6 ans sont soumises à des stéréotypes genrés qui leur font croire que les femmes ne peuvent pas être des génies. Croyez-vous que ces stéréotypes soient présents dans les écoles suisses et si tel est le cas, que pouvons-nous faire pour les éradiquer ?

Liliane Maury Pasquier, conseillère aux Etats, PS : Les résultats d’une telle étude en Suisse risquent d’être relativement semblables, car les jeunes Suisses ont les mêmes références. La différence entre la société américaine et la société suisse est le système politique. Dans un système présidentiel, la puissance est liée à une seule personne, le président, qui depuis la naissance de leur pays, a toujours été un homme. En Suisse, le système collégial n’exerce ainsi pas la même influence sur des enfants que l’image du président aux États-Unis.

L’influence exercée par le gouvernement sur les enfants semble être indirecte et nous pouvons la retrouver dans le fait que, malgré l’acceptation de l’égalité hommes-femmes dans la Constitution, celle-ci n’est pas réalisée dans les faits, que ce soit en termes de salaires ou dans la répartition des tâches dans les familles.

 

Laurence Fehlmann Rielle, conseillère nationale, PS : Selon moi, les mêmes stéréotypes sont présents dans les écoles suisses, mais je n’ai pas connaissance d’une telle étude ayant été menée en Suisse et je ne peux donc pas l’affirmer avec certitude. Néanmoins, un résultat similaire ne m’étonnerait pas, car d’autres études ont été conduites sur l’occupation de l’espace public par les jeunes. Les résultats ont démontré que les jeunes hommes occupent plus d’espace alors que les filles ont tendance à rester dans un espace plus petit. Ces stéréotypes sont visibles dans la vie adulte : il y a un moindre engagement politique féminin, car les femmes se sentent moins compétentes alors que les hommes n’ont pas ce problème. Ce manque de représentation a peut-être une influence sur les jeunes filles.

 

Lisa Mazzone, conseillère nationale, Verts : Oui, j’en suis certaine ! Pour éradiquer les stéréotypes genrés, on doit former les professeurs y compris ceux qui interviennent très tôt dans l’éducation afin de ne pas les reproduire. De plus, il faut revoir les programmes scolaires et les intervenantEs dans les classes. Il faut un changement structurel pour permettre une véritable répartition des tâches au sein des familles, notamment par l’introduction d’un congé parental. Enfin, il faut faire éclater les plafonds de verre[1]. Il faut donc un changement dans la vision des rôles et ceci dans l’éducation, au sein de la famille et en société.

 

Décadrée : Pensez-vous que l’on sensibilise les enfants à des métiers qui s’associeraient plutôt à leur genre et ces campagnes ont-elles un impact ?

Liliane Maury Pasquier : Il y a eu, en effet, plusieurs campagnes de sensibilisation mises en place pour permettre aux jeunes d’élargir leur choix de formation professionnelle, mais la sensibilisation devrait se faire en amont. La sensibilisation à l’école est importante, mais aussi dans les crèches et au sein même de la famille.

Dans ce sens-là, il y a un certain recul de l’égalité : aujourd’hui, il est difficile de trouver des jouets et vêtements pour bébés qui soient non-genrés. Il y a 30 ans, nous avions la possibilité d’acheter des vêtements unisexes pour les bébés alors qu’ils sont devenus très rares en magasin de nos jours.

 

Laurence Fehlmann Rielle : On doit se battre contre ce phénomène des métiers genrés, et ce dans la formation des enseignantEs et intervenantEs dans les classes. Dans les écoles du canton de Genève, la sensibilisation aux métiers selon le genre a tendance à disparaître.

Dans les crèches, nous devons aussi nous battre contre des stéréotypes genrés : les garçons ne pleurent pas, les filles doivent être moins bruyantes ou on leur demande de ranger les jouets plus souvent que les petits garçons. Nous devons absolument mettre l’accent sur les enseignantEs.

 

Lisa Mazzone : Il y a bien un problème structurel qui a un impact sur les représentations. Les formations pour les enseignantEs sont importantes, mais les campagnes de sensibilisation pour les filles aux métiers scientifiques sont comme un plâtre sur une jambe de bois, car l’intervention est trop tardive et épisodique. La vision de soi-même influence nos choix, notamment professionnels.

En Valais, une émission a été tournée où l’on sensibilisait des éducatrices de la petite-enfance aux stéréotypes genrés et, interviewées après la formation, celles-ci se disaient étonnées, car elles n’étaient pas conscientes des stéréotypes qu’elles propageaient malgré elles. Comme disait ma professeure d’Histoire : ‘’L’histoire des mentalités met plus de temps à avancer que l’Histoire.’’.

 

Décadrée : Le Parlement est actif au niveau de la législation sur la violence conjugale et domestique. Pourquoi pensez-vous qu’il est difficile d’introduire des législations pour d’autres problèmes féminins tels que l’inégalité salariale ?

Liliane Maury Pasquier : L’inégalité salariale est systématiquement refusée dans les Chambres, car les partis de droite évoquent souvent la liberté économique, inscrite dans notre Constitution et portée au même rang que la liberté d’expression par exemple. Au nom de cette liberté économique, ils cherchent à être le moins interventionnistes possible et, par conséquent, cette liberté économique est un obstacle aux régulations en vue de l’égalité salariale qui figure pourtant, elle aussi, dans notre Constitution.

 

Laurence Fehlmann Rielle : Tant au Conseil national qu’au Conseil des Etats, la majorité est de droite, qui souvent n’est pas sensible aux questions féminines. Plusieurs hommes considèrent que l’égalité est acquise, car elle est écrite dans la Constitution.Il serait intéressant de voir introduire dans le plan de législature des quotas pour les conseils d’administration dans les entreprises et revisiter les lois sur les salaires égalitaires.

Le Conseil Fédéral demandera sûrement une analyse des différences entre hommes et femmes, pourtant, même ce pas, qui ne prévoit pas de sanction, mais une étude, est mal vu de certains partis de droite.De même, la liberté économique est une liberté que ces partis ont à cœur et des mesures qui mettraient des barrières à cette liberté, comme les quotas dans les conseils d’administration ou une modification des salaires, ne sont pas acceptées. Ainsi, même des mesures modestes dans le but d’une égalité effective ont dû mal à voir le jour.

 

Lisa Mazzone : La loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) est difficile à faire respecter, car aucune sanction n’est prévue. Le congé parental n’est pour l’instant pas accepté. Les quotas de femmes dans les conseils d’administration sont modestes et non-contraignants.

Le parlement est d’ailleurs constitué d’une majorité d’hommes où les stéréotypes jouent à leur avantage. En conclusion, le problème est bien structurel et démontre une dynamique de lutte et de domination dans notre société. De plus, le fait que certaines personnes au Parlement aient vécu lors de l’époque où le vote des femmes n’était pas instauré (les personnes entre 50 et 60 ans) affecte leurs perceptions des rôles. Ceci permet de donner plus d’importance à la position des représentants économiques conservateurs qu’aux mesures structurelles nécessaires pour changer les choses.

 

DécadréE: Quels sont les problèmes qui devraient être mis à l’agenda en 2017 ? Quels combats aimeriez-vous mener au sein du Conseil national dans l’avenir ?

Liliane Maury Pasquier : Cela fait longtemps que je siège au sein du parlement suisse et, de ce fait, j’ai déjà fait un certain nombre de propositions, surtout dans le domaine des femmes et de la santé, de l’égalité hommes-femmes entre autres.

En 2017 on devra discuter d’un projet du Conseil Fédéral qui vise à soutenir l’égalité salariale entre hommes et femmes, qui est, selon moi, plutôt modeste. Nous discuterons aussi d’un autre projet intitulé « Prévoyance vieillesse 2020 » : après que l’âge de la retraite pour les femmes ait augmenté soi-disant au nom de l’égalité – alors que les salaires égaux, eux, n’ont pas encore été atteints, ce projet présente pourtant des compensations intéressantes pour les femmes, particulièrement pour celles qui travaillent à temps partiel et pour les petits revenus. Un autre débat intéressant sera celui du congé maternité payé lorsque le nouveau-né doit rester hospitalisé pour une maladie au-delà du congé maternité de sa mère ou encore d’un congé payé lorsque les enfants sont malades. De même, le congé paternité est un sujet important et j’attends impatiemment que l’initiative récolte les signatures nécessaires pour être déposée !

 

Laurence Fehlmann Rielle : Comme vous avez dit auparavant, les Chambres sont actives à propos de la violence physique faite aux femmes. La violence conjugale était un problème caché auparavant, mais nous avons les outils légaux dans le code pénal, par exemple, pour légiférer sur ce problème. Ce qui fait encore défaut est l’application dans les cantons et le soutien aux victimes tant hommes que femmes. Mais dans le cas majoritaire des femmes, un soutien à la recherche de travail si elles n’en avaient pas est nécessaire ainsi que les problèmes de logement et les enfants.

Un autre combat est bien sûr la représentation des femmes tant au sein du Parlement que dans les conseils d’administration. Nous avançons sur le chemin de l’égalité, mais sommes encore loin de la parité. Il faut des mesures plus volontaristes notamment, mais pas seulement au niveau des salaires. Personnellement, je compte aussi soutenir les projets déjà en cours. Même dans le cas où l’on ‘’perd’’, il faut continuer de faire pression sur le sujet et l’amener aux yeux du plus grand nombre de personnes possible.

 

Lisa Mazzone : Il faudrait instaurer le congé parental partagé, avec une partie réservée à la femme, une autre à l’homme et une partie partagée. Mais pour l’instant, on comptera déjà le congé paternité comme un premier pas dans le bon chemin.

On devrait également changer le droit des Sociétés Anonymes (S.A) afin d’instaurer des quotas contraignants pour les conseils d’administration. On doit aussi continuer à se battre pour les droits, quelles que soient l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, pour déconstruire les représentations sociales fortement ancrées. Ainsi, il s’agit de permettre le mariage pour toutes et tous ainsi que d’élargir les possibilités d’adoption.

 

 

 

 

[1]Expression américaine des années 70. Constitue un obstacle dans l’évolution de la carrière au sein de l’entreprise et limite l’accès à des postes à responsabilité, ici, pour les femmes.

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