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Conseil Fédéral : Où sont les femmes ? Première partie.

Conseil Fédéral : Où sont les femmes ? Première partie.

Auteurice Jacques Friedli, 6 novembre 2017
Illustrateurice
Type de publication

Après la conséquente défaite d’Isabelle Moret, des éluEs recouvrant une large partie du spectre politique national ont réclamé une juste répartition des sièges du Conseil Fédéral entre femmes et hommes. Réel changement ou simple sursaut de circonstance ? Notre analyse en deux temps :

Publié le 1.11.2017 par Jacques Friedli

Vers reportage Partie 2.

Vers interview complète.

 Le 20 septembre dernier, Ignazio Cassis était élu Conseiller Fédéral en remplacement de Didier Burkhalter, démissionnaire. Il l’emportait au deuxième tour, avec 125 voix, suivi par Pierre Maudet et ses 90 voix, et loin, très loin devant Isabelle Moret et ses 28 voix[i].

Si la victoire d’Ignazio Cassis est loin d’être une surprise, c’est l’ampleur de la défaite d’Isabelle Moret qui a marqué les esprits. Ce n’est pourtant pas étonnant si l’on se réfère au nombre de femmes à l’Assemblée fédérale, 29.3%[ii]. Avoir deux femmes sur sept membres du Conseil fédéral coïncide presque parfaitement avec cette répartition (28,6% contre 29.3%). De plus une enquête de la RTS, analysant plus d’une décennie d’élections cantonales, a récemment démontré que les femmes étaient systématiquement moins bien élues que les hommes, et que leur nombre ne progresse plus[iii].

Rien de surprenant donc dans cette débâcle de l’unique candidate. Simplement, après un bref « âge d’or » de la représentation féminine au Conseil Fédéral avec trois femmes entre 2007 et 2015 (et brièvement quatre en 2010-2011), l’injustice réapparaît à nouveau dans toute son ampleur au plus haut niveau de l’Etat. Si certainEs s’accommodent parfaitement de la situation – à l’image d’Albert Rösti, président de l’UDC, qui estime que « la question des femmes au Conseil fédéral n’en est plus une »[iv] – de plus en plus d’éluEs semblent sensibles au fait que la représentation des femmes à tous les niveaux de la politique suisse est bien loin de coïncider avec leur proportion dans la population (qui est très légèrement majoritaire avec 50.4 %[v]). Ce d’autant plus que rien n’indique qu’une amélioration, même minime, va survenir.

 

La question de la représentativité du Conseil fédéral a toutefois été un des grands thèmes de la campagne[vi], mais l’accent a été mis, par la presse comme par les candidatEs, sur la représentation régionale bien plus que sur l’égalité entre hommes et femmes. En effet, si Ignazio Cassis a largement insisté sur le fait que « la Suisse ne serait pas la Suisse si les trois mentalités, les trois cultures principales, n’étaient pas représentées » au Conseil fédéral, Isabelle Moret a, elle, été pour le moins ambiguë quant à l’argument de la représentativité des femmes. Il n’est en effet pas simple de résumer la position de la candidate vaudoise qui a réclamé que le débat soit essentiellement mené sur le bilan des candidatEs, tout en mettant en avant le manque de représentation politique des femmes avec de jeunes enfants – dont elle fait partie. Elle a ainsi affirmé que « ce qui prime, ce sont d’abord les compétences. Etre une femme apporte une expérience de vie différente, mais ce n’est pas un argument politique »[vii] et que le fait d’être une femme n’était pas un élément décisif[viii]. Alors que dans un même temps, elle déclarait qu’« une représentation féminine suffisante au Conseil fédéral est importante et c’est un élément qui compte pour beaucoup de mes soutiens. Les femmes PLR ne sont plus représentées au gouvernement depuis vingt-huit ans »[ix] et qu’« aucune maman d’enfants en âge scolaire n’a jamais été représentée »[x].

 

Si la question des femmes n’a pas dominé, la question de la sous-représentation (voir de la non-représentation) d’une partie de la population a, elle, largement imprégné la campagne, avec dans son sillage l’idée des quotas.

 

C’est probablement la combinaison de ces débats sur le thème de la représentation et des quotas avec la confirmation de la minorité des femmes au Conseil fédéral qui explique la force des réactions qui ont suivi l’élection du candidat du Tessin.

De nombreuses femmes de droites ont effectivement pris la parole pour dire leur ras-le-bol d’une situation qui n’évolue définitivement pas dans le bon sens et certaines ont même évoqué un soutien possible à l’instauration de quotas, thème habituellement plébiscité par la gauche seulement[xi] (encore qu’il n’y fasse pas l’unanimité[xii]). Ainsi Doris Fiala, présidente des femmes PLR et Conseillère nationale, a déclaré qu’« après une telle débâcle, il me semble approprié que les sexes soient représentés équitablement au Conseil fédéral », et qu’elle n’excluait pas que la notion de chiffre approprié pourrait être inscrite dans la loi. Rosmarie Quadranti, Conseillère nationale PBD et membre de la direction du parti, a souligné qu’« il est tout simplement tragique qu’il faille à la fin en venir à une réglementation pour que ce monde d’hommes comprenne enfin que les comités mixtes ont bien plus de succès ». Apportant donc à contre-cœur son soutien à un politique de quotas, soutenue dans ce sens par sa collègue PDC au Conseil national, Barbara Schmid-Federer. Enfin, Isabelle Chevalley, Conseillère nationale Vert’libérale, qui estimait auparavant que vouloir instaurer des quotas était carrément insultant pour les femmes, a changé d’avis « parce que les choses ne changent pas » et se dit dorénavant ouverte à l’idée[xiii].

Dans la presse aussi des réactions ont surgi, à l’image de cet éditorial engagé dans le 24 heures, qui s’interroge : « Alors, pourquoi ne pas arrêter de se fier uniquement aux circonstances du moment, et inscrire non pas des quotas fixes, mais au moins une intention ferme dans la Constitution ?».[xiv]

 

Ces paroles, ces prises de positions, fortes et nombreuses, sont certes réjouissantes ; mais il est difficile de mesurer si elles sont le début d’un réel changement ou bien s’il s’agit d’un simple sursaut.

L’opportunité d’une grande avancée est dans tous les cas donnée par l’initiative parlementaire de la conseillère nationale verte Maya Graf, qui demande l’inscription de l’exigence de la représentation équitables des sexes au Conseil fédéral dans la constitution[xv]. Désormais plébiscitée par nombre d’éluEs sous la Coupole fédérale, elle profite de sa proximité temporelle avec cet élan égalitariste ; elle devrait en effet être débattue au mois de mars prochain.[xvi]

 

Cette initiative sera au centre de la deuxième partie de cette analyse, où nous essaierons, en interrogeant des femmes de premier plan de tous les partis gouvernementaux, de donner un aperçu du moment politique actuel sur la question des quotas.

 

 

 

 

[i] La majorité absolue est nécessaire, ce qui explique ce 2ème tour. Au premier tour le résultat était le suivant : 109 voix pour Ignazio Cassis, 62 voix pour Pierre Maudet et 55 voix pour Isabelle Moret. https://www.parlament.ch/fr/%C3%BCber-das-parlament/archive/retrospective-des-elections/election-conseil-federal/succession-burkhalter-didier

[ii]Une page très précieuse sur les femmes et les élections en Suisse, avec de nombreuses statistiques et analyses officielles : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/politique/elections/femmes.html#-1150343387

[iii] https://www.rts.ch/info/suisse/8741879-les-suisses-preferent-elire-des-hommes-la-preuve-en-chiffres.html

Par exemple : (14,1% de candidates élues contre 17,6% de candidats élus lors des dernières élections cantonales)

[iv] https://www.rts.ch/info/suisse/8846232-albert-rosti-la-question-des-femmes-au-conseil-federal-n-en-est-plus-une-.html le 16.08.2017

[v] Chiffre 2016 de l’office fédéral de la statistique https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population.html

[vi] Deux exemples : https://www.lematin.ch/suisse/fautil-quota-femmes-conseil-federal/story/12985086

https://www.rts.ch/info/suisse/8855309-des-quotas-masculins-alemaniques-proposes-pour-le-conseil-federal.html

[vii] https://www.letemps.ch/suisse/2017/08/06/isabelle-moret-une-femme-nest-un-argument-politique

[viii] http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/10934911

[ix] http://www.illustre.ch/magazine/isabelle-moret-je-peux-creer-des-ponts-avec-tous-les-partis le 25.08.2017

[x] https://www.rts.ch/info/suisse/8874438–il-n-y-a-jamais-eu-de-maman-d-enfants-en-age-scolaire-au-conseil-federal-.html le 29.08.2017

[xi] Exemple parlant : Petra Gössi, présidente du PLR, a affirmé que pour elle il n’était pas question d’avoir un « quota femmes ». Le 21.06.2017 dans le 24heures https://www.24heures.ch/suisse/politique/Conseil-federal-femmes-de-droite-en-marche/story/22718219

[xii] Au sein du PS, on peut ainsi entendre différents sons de cloches. Quand Jean Christophe Schwaab (Conseiller national PS) déclare : « Auparavant, les quotas me laissaient sceptique. Mais les faits montrent que, sans règles contraignantes, l’égalité ne progresse pas », Roger Nordmann (Conseiller national, vice-président du PS suisse) affirme lui s’opposer à des règles contraignantes concernant la représentation des femmes dans la direction du parti. Et Rebecca Ruiz (Conseillère nationale PS) annonce que « Le parti doit encourager les femmes, mais je ne suis pas pour une forme d’automatisme. » https://www.lematin.ch/suisse/fautil-quota-femmes-conseil-federal/story/12985086 le 31.07.2017

https://www.24heures.ch/suisse/femmes-ps-critiquent-machisme-parti/story/12959717 le 14.10.2017

[xiii] https://www.rts.ch/info/suisse/8942301-plusieurs-femmes-de-droite-pour-un-quota-feminin-au-conseil-federal.html et http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/21663693

[xiv] https://www.24heures.ch/signatures/editorial/femmes-majorite-minoritaire/story/18539936

[xv] En complément de l’alinéa 4 de l’article 175 qui demande déjà que les diverses régions et les communautés linguistiques soient équitablement représentés au Conseil fédéral. https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20170411

[xvi] http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/21663693

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