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L’acceptation de soi

L’acceptation de soi

Auteurice Iris Bouillet, 4 septembre 2017
Type de publication

Entre les publicités sur le McDo qui se trouve à 350m et les injonctions de maigreur, difficile de faire la part des choses. Il s’agit à la fois de rentrer dans une taille 34, tout en s’empiffrant de burgers. La solution se trouve-t-elle plus loin sur le panneau publicitaire qui offre des abonnements de fitness à prix cassé ? Dans ce contexte, comment se satisfaire et être heureuxSE du corps que l’on a ?

 

Nota bene de l’auteure : Cet article ne mentionne pas la situation des hommes, tout en reconnaissant les discriminations esthétiques dont ils sont également victimes.

 

Bodyshaming, fatshaming, ces termes sont apparus pour dénoncer toutes les critiques faites à un être humain par rapport à l’apparence de son corps (fatshaming particulièrement à l’encontre des personnes dites grosses, qui rejoint le terme francophone « grossophobie »). À l’ère d’internet, ce qu’on voit, lit, entend, contribue à façonner et conditionner le rapport à son corps, à soi. Et la toile est pleine de surprises : que ce soit les challenges pour se préparer à l’été, obtenir un « thigh gap » ou simplement une prometteuse silhouette de rêve, le culte de la minceur circule sur le web. Aucune catégorie de femmes n’est oubliée. Même une femme enceinte devrait faire attention à sa silhouette. Alors plus question d’être paresseuse – comme ces propos semblent l’affirmer – si certaines peuvent y arriver, celles qui ne s’astreignent pas à retrouver un corps de top-modèle après la grossesse pourraient facilement passer pour des “fainéantes”.

Le corps mince – parfois maigre – est effectivement celui admiré, promulgué au travers de la majorité des publicités. Rentrer dans un 36 peut vite devenir un objectif obsessionnel qui, une fois atteint, ne se suffit plus, et l’on cherche alors à passer à la taille au-dessous. En plus de cela, on constate lorsque l’on va faire du shopping dans les grandes enseignes célèbres de la mode, que la taille 36 est commune, alors qu’il est plus difficile de trouver du 40 ou du 42. Les mannequins « plus size », très souvent, revêtissent ces tailles. Elles semblent donc données comme plus rares, et l’on vous répond souvent que le 36 est en rupture de stock ou qu’il ne reste plus de XS. Pourtant, dans un article du Huffington Post[1], l’auteure de l’article reprenait des statistiques montrant que la taille la plus habituelle chez les femmes aux Etats-Unis, en Angleterre et en France oscillait entre le 40 et le 42[2]. Elles ne devraient alors pas être qualifiées de « grande taille » ou uniquement portées par des mannequins « large size », donnant cette fausse impression d’être au-dessus de la « norme ». Le rapport à son propre corps devient ainsi biaisé, faussé par des représentations erronées de la société, des femmes qui la constituent et de leur corps que l’on prétend généralement plus mince.

Le rapport à son corps est vécu comme de l’instantanéité. Comment avoir un ventre plat en 3 mois ? Des jambes fines et musclées avec un programme sur 3 semaines ? Comment enlever ici, rajouter là, et ce dans les plus brefs délais ? On en viendrait presque à oublier la morphologie, la diversité naturelle des corps, qui ne peuvent, même en subissant les plus stricts régimes ou en s’épuisant à la salle de sport, répondre à certains critères. Un corps pour l’été ? Un « beachbody » ? Ces délais à court terme négligent la santé, qui ne se construit pas sur une suite de régimes impossible à tenir sur une vie, mais plutôt à partir d’une remise en question de ses habitudes alimentaires et une acceptation de sa morphologie. En effet, chaque personne a des besoins différents. . Selon les morphologies, 60 kilos donneront un aspect très différent d’une personne à une autre. De même, selon les métabolismes, une personne qui fera du fitness fréquemment pourra obtenir moins de résultats qu’une personne qui se contente de marcher 15 minutes par jour. Il est plus sain et utile alors d’écouter son corps que de se fier à des préceptes généraux et qui ne tiennent pas compte de l’hétérogénéité des métabolismes. Pire encore, les outils de mesures actuels, comme l’IMC, peinent à tenir compte de la complexité de l’organisme. Un corps musclé et en bonne santé pourrait avoir un IMC trop élevé et être catégorisé en “surpoid”. D’où l’illogisme de se référer au poids pour juger de la santé et de la beauté d’un corps.

Mais si l’obsession d’un corps mince est largement répandue, le phénomène d’un corps défini gagne également du terrain. Pourtant, les heures passées à la salle de fitness semblent plus rechercher des cuisses fines et musclées plutôt que de s’attacher à des objectifs de santé. Ce phénomène peut se mesurer de manière quantitative lorsque l’on voit par exemple qu’en Suisse, les salles de musculation ne cessent d’augmenter ou que les images de “fitgirls” abondent sur les réseaux sociaux[3]. D’après les témoignages de femmes vaudoises repris dans un article de l’Illustré, on retrouve en effet souvent cet objectif de vouloir continuellement repousser ses limites. Être plus musclée, plus sèche, plus définie. L’épuisement extrême du corps est vécu comme une fierté et il s’agit de toujours se dépasser. La prise de compléments alimentaires est par ailleurs assez fréquente. Avec des modes de vie très stricts pour maintenir un corps “fit”, cela est une forme d’éloignement à son corps. En effet, celui que l’on construit n’est pas naturel, puisqu’il faut autant d’entraînement et de diète alimentaire (énormément de protéines et peu voire pas du tout de sucre selon les témoignages) pour le conserver. Finis les plaisirs, et bien souvent la vie sociale, mais ces femmes préfèrent ici ce rythme contraignant à la perte du corps parfait dont elles rêvaient en commençant le fitness. Et pour se faire plaisir : le “cheat meal” (un repas où l’on mange ce qu’on veut, mais qu’une fois par semaine, ou par mois, selon ce qu’on définit). Cela instaure un rapport au plaisir (du goût) quelque peu pervers, puisqu’il faut se priver jusqu’à la récompense.

Face à ces diverses injonctions,l’acceptation de soi n’est pas innée dans des sociétés où les chirurgies esthétiques sont à portée de main, où les mannequins s’affament et où règne ce culte de la minceur. Sur les affiches publicitaires urbaines, sur les vitrines des grandes enseignes de la mode, même dans les publicités télévisuelles pour des fast food, ce sont le plus souvent des femmes minces – voire maigres – qui comme on l’a vu sont représentées. Bien qu’il y ait une ouverture de nos jours, qui connaît une envolée sur les réseaux sociaux, cette évolution continue à se faire en comparaison des standards. Une mannequin qui se spécialise dans les gammes dites larges devra se qualifier de “plus size” et ne pourra se présenter simplement comme une mannequin, par exemple. Difficile ainsi de s’accepter lorsque des gammes minceur sont dédiées aux femmes et des produits light mis à leur disposition, qu’elles bénéficient de cours spéciaux dans les salles de fitness pour obtenir le mythe du corps parfait.

Il n’y a pas de solution miracle pour parvenir à s’accepter tel que l’on est, ou plutôt, elles sont multiples, variant d’un individu à l’autre. Des solutions publiques sont proposées, telles que la campagne « Be Real » en Angleterre, qui conseille de prioriser la santé sur l’apparence ainsi que de se sentir en harmonie avec le corps dans lequel on vit. Cette tendance « body positive » est suivie par certaines marques de mode qui se créent dans l’idée de rejeter les corps dictés par la mode. À cet exemple, Neon Moon, marque de lingerie, Modcloth ou Redbolls, deux marques de vêtements en ligne, présentent des mannequins de forme et taille diverses. Cette tendance se voit accompagnée par un mouvement prônant une forme de retour au naturel en désapprouvant les retouches, via Photoshop par exemple. Ceci ne se retrouve pas que dans le domaine de la mode, mais aussi musical, où on a vu un Kendrick Lamar chanter : « I’m so fuckin’ sick and tired of the Photoshop. Show me somethin’ natural like afro on Richard Pryor. Show me somethin’ natural like ass with some stretchmarks » (traduction : j’en ai tellement ras le bol de Photoshop. Montrez-moi quelque chose de naturel comme une afro sur Richard Pryor. Montrez-moi quelque chose de naturel comme des fesses avec des vergetures), et les photos exposant des vergetures fleurissent sur les réseaux sociaux, revendiquées avec fierté.

Finalement, il n’existe pas deux, mais de multiples injonctions faites au corps des femmes. Si le culte de la minceur est bien réel, celui du « curvy » semble se développer en parallèle à cette deuxième injonction d’acceptation de soi. Mais des effets pervers en ressortent. Comme le décrit une bloggeuse dans son article sur son éloignement au mouvement body-positive : « les corps les plus valorisés via les likes étaient ceux qui déviaient le moins de la norme[4] ». En effet, il faut avoir des rondeurs, mais à certains endroits cela est perçu comme « sexy » (les hanches ou les fesses par exemple), alors qu’on ne les tolère pas à d’autres (le ventre). On trouve alors des images absurdes de femmes avec un rapport taille-hanches/fesses anormal, à l’instar de la photo postée par Khloe Kardashian, et qui avait fait le buzz sur internet.

Ce n’est pas donc en cherchant à avoir des rondeurs, ou en cherchant à les perdre au gré des impératifs changeant de beauté qu’il faut se diriger, mais plutôt vers l’acceptation de son corps tel qu’il est formé lorsque l’on mange à sa faim, en sachant se faire plaisir et faire du sport si le cœur y est. Pour citer C.G Jung – médecin, psychiatre suisse : « the most terrifying thing is to accept oneself completely ».

 

Pour aller plus loin…

Comment la télévision façonne l’idéal féminin, Le Temps : https://www.letemps.ch/sciences/2017/08/17/television-faconne-lideal-feminin

 

 

 

 

 

 

 

[1] http://www.huffingtonpost.fr/fiona-schmidt/normes-beaute-40-nouveau-36_b_7172370.html

[2] Schmidt, Fiona. « Normes de beauté, le 40 est-il le nouveau 36 ? ». Huffington Post [en ligne], 3 mai 2015. URL : http://www.huffingtonpost.fr/fiona-schmidt/normes-beaute-40-nouveau-36_b_7172370.html

[3] SCIALOM, Malika. “Le troublant phénomène “fitgirls””. In L’Illustré, 11 mai 2016. URL : http://www.illustre.ch/magazine/le-troublant-phenomene-fit-girls

[4] Kiyémis, « Comment je me suis éloignée du mouvement body-positive », Buzzfeed, 30 juillet 2017 : https://www.buzzfeed.com/kiyemis/comment-je-me-suis-eloignee-du-mouvement-body-positive?utm_term=.jyxdZ3K6B&ref=mobile_share#.unR93JVm2

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