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Le travail rémunéré des femmes japonaises : quels enjeux ? #feminismedailleurs

Le travail rémunéré des femmes japonaises : quels enjeux ? #feminismedailleurs

Auteurice Maud Marchal Dombrat, 25 mai 2017
Illustrateurice

C’est l’été et l’envie de voyage se fait sentir! DécadréE vous emmène à l’étranger, mais entre deux cocktails devant la piscine, il vous invite à vous questionner sur ces pays. #feminismedailleurs

Selon les chiffres de l’OCDE, seulement 64% des Japonaises entre 15 et 64 ans occupent un emploi rémunéré. Comment expliquer ce faible pourcentage au pays du Soleil levant ?

C’est un fait, la force de travail japonaise est essentiellement masculine. En 2015, l’OCDE publiait des chiffres accablants pour le Japon et son taux d’emploi. Chez les 15-64, 64% des femmes ont un emploi rémunéré, contre 81,82% des hommes. Les chiffres deviennent encore plus frappants lorsque l’on s’intéresse aux 55-64 ans, avec 57,82% femmes dans le monde du travail, alors que le nombre d’hommes reste quasiment inchangé. Les femmes japonaises sont parmi les plus éduquées au monde, mais leurs connaissances restent inexploitées. En effet, lorsqu’elles se marient ou donnent naissance, une partie d’entre elles cessent alors de travailler. Parmi elles, peu retrouveront un emploi à temps complet.

Depuis le célèbre livre « stupeur et tremblements » d’Amélie Nothomb, le Japon est connu pour être le pays des heures supplémentaires et des journées de travail interminables en Occident. Bien que des nuances soient à apporter et que d’autres configurations personnelles et professionnelles puissent exister, il est plutôt difficile de mener de front une vie professionnelle et une vie familiale. Ainsi, de nombreuses femmes finissent par abandonner leur carrière pour s’occuper des enfants, pendant que leur mari continue à un temps complet.

Yumiko, 35 ans, a ainsi cessé de travailler à la naissance de son fils. « Je pense que c’est impossible de mener les deux de front, explique-t-elle, alors j’ai arrêté. J’ai des amies qui travaillent et ont des enfants, mais je pense que quelque part, elles m’envient. Gérer un emploi dans une entreprise japonaise et élever des enfants, c’est extrêmement difficile. »

Diplômée de la prestigieuse université de Waseda, elle garde un souvenir amer de ses années de travail: « J’ai été très déçue par les entreprises japonaises. Les hommes ont tout le pouvoir, les femmes ne sont que des assistantes. C’est vraiment un environnement dominé par les hommes et j’ai détesté ça. »

Un partage des tâches inexistant

Le problème des heures supplémentaires s’articule aussi avec la difficulté du partage des tâches domestiques au sein du foyer. En 2014, une étude de l’OCDE montrait que parmi ses pays membres, les hommes japonais étaient ceux qui consacraient le moins de temps au travail domestique. Pourtant, malgré cet écart important, Hitomi, 22 ans et toute jeune employée reste optimiste: « Je pense que ça dépend beaucoup de la génération, confie-t-elle. J’ai l’impression que plus la génération est âgée, plus les hommes évitent les tâches ménagères et considèrent cette répartition comme normale. Au contraire, chez les plus jeunes, s’investir auprès de ses enfants est presque considéré comme une vertu. Je crois que les choses évoluent dans le bon sens. Mais d’un autre côté, ces personnes-là ne sont peut-être pas assez nombreuses. Quand je parle avec mes collègues et mes amis, ça m’étonne à quel point certains d’entre eux restent encore conservateurs sur ce sujet. »

Des solutions de gardes difficiles d’accès

Si malgré toutes ces difficultés, une femme souhaite continuer à travailler de manière rémunérée, elle devra affronter un nouveau défi, tout aussi central. Au Japon, les places en crèches sont limitées et les travailleurSEs de la petite enfance sont rares, la faute à un travail épuisant et des salaires peu attractifs. Pourtant, il s’agit là d’un enjeu central, puisque sans crèche, il devient très difficile pour les mères de retourner au travail. Lorsque les crèches sont pleines, les familles doivent alors se tourner vers des solutions plus coûteuses, loin d’être accessibles à tousTEs. « En fait, il faut avoir de l’argent si tu veux continuer à travailler, parce qu’il faut pouvoir payer les baby-sitters », ironise Kyoka, 53 ans.

Que fait le gouvernement?

En 2014, le premier ministre Shinzô Abe déclarait “vouloir faire briller les femmes”, c’est-à-dire féminiser le milieu du travail japonais. Si l’intention semble honorable, les raisons qui ont poussé ce conservateur à s’intéresser à cette problématique laissent néanmoins un goût amer. En effet, il ne s’agit pas là de féminisme désintéressé, avec pour seul et unique but de laisser les femmes avoir le choix. L’économie japonaise est en berne et le nombre de travailleurSEs destinéEs à la soutenir n’est pas suffisant, conduisant Shinzô Abe à se tourner vers la main d’oeuvre la plus proche et la plus mal exploitée du pays: les femmes.

Ses objectifs, d’ici 2020, sont de supprimer les listes d’attente pour les crèches, mais aussi d’augmenter à 30% de nombre de femmes cadres dans les entreprises. Pourtant, en 2016, si la situation s’est légèrement améliorée (selon un récent sondage mené par Yomiuri Shinbun, journal japonais, en avril 2017, le nombre de femmes occupant des postes de direction dans les 116 entreprises japonaises qui ont répondu au sondage s’est établi à 8,3%, une hausse lente par rapport aux 7,5% relevés dans la même enquête en 2016), elle reste très loin des objectifs fixés. Le Premier ministre est lui-même bien loin de montrer l’exemple, puisqu’il n’y a que trois femmes ministres sur vingt dans l’administration actuelle d’Abe, ainsi qu’une ministre d’Etat sur vingt-cinq.

Les opposantEs d’Abe soulignent ainsi que si la politique du Premier ministre en matière d’emploi des femmes ne fonctionne pas aussi bien que prévu, c’est bien parce que le problème n’est envisagé que sous un angle économique. À aucun moment il n’est question des droits fondamentaux des femmes, mais uniquement de stimulation de l’économie japonaise.

Le monde du travail au Japon reste donc, comme beaucoup d’autres pays, un monde très masculin. Il a cependant ses propres spécificités, avec ses problématiques uniques et ses luttes.

 

 

 

Pour aller plus loin:

http://www.oecd.org/gender/

http://money.cnn.com/2016/09/15/news/economy/japan-working-women-report-card/

https://japantoday.com/category/politics/the-world-watches-abe%E2%80%99s-%E2%80%98womenomics%E2%80%99-as-global-summit-of-women-closes-in-tokyo

 

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