Menu de l'institut
Menu du LAB

LE LAB

Les protections périodiques, des produits de première nécessité ?

Les protections périodiques, des produits de première nécessité ?

Auteurice Emma Perneger, 06 septembre 2017
Type de publication

La menstruation étant un phénomène vécu régulièrement par la moitié de la population et engendrant une perte de sang non-négligeable (ce qui peut être logistiquement embarrassant) il paraît évident que les protections périodiques soient des produits de première nécessité. Pourtant la question n’est pas aussi simple, comme le montrent les taux de TVA.

 

En Suisse, les protections périodiques[1] ne bénéficient pas du taux réduit de TVA de 2,5%[2]. Ce taux réduit est uniquement appliqué aux produits dits de première nécessité : eau, denrées alimentaires, médicaments… mais aussi litière pour animaux et arrangements floraux. Comment se fait-il que cette incohérence subsiste aujourd’hui?

 

Si certains Etats, comme la Grande-Bretagne et le Canada, ont décidé d’abolir toute taxe sur les protections périodiques, d’autres, comme la France, leur ont accordé le taux réduit attribué aux produits de première nécessité, après de longues luttes Ainsi, après un premier refus de l’Assemblée nationale, des rassemblements organisés par des groupes féministes et un débat très médiatisé, la France a finalement abaissé en 2015 la taxe sur les protections périodiques de 20% (le taux normal) à 5,5% (le taux réduit).

 

Cependant, la Suisse ne semble pas prête à corriger cette incohérence. En effet, la conseillère nationale Rebecca Ana Ruiz explique : “Un de mes collègues [Jacques-André Maire] est intervenu sur cette question lors de la révision de la Loi sur la TVA, sans succès. La droite a refusé en bloc.” La proposition consistait à ajouter les produits destinés à assurer l’hygiène corporelle de base, à la liste des produits taxés au taux réduit de 2,5%. Jacques-André Maire a ensuite déposé, en décembre dernier, une motion au Conseil national, visant à inclure notamment les tampons, les serviettes hygiéniques et les couches pour bébés dans la liste des produits de première nécessité taxés au taux réduit. Il y dénonce le “caractère clairement discriminatoire envers les femmes ou envers les familles”[3], qui subissent des charges financières non-reconnues comme étant de première nécessité.

 

Néanmoins, le Conseil fédéral a finalement proposé de rejeter la motion, en février de cette année. Le rapport du Conseil fédéral prétend écarter l’enjeu discriminatoire de TVA, en invoquant qu’il n’y aurait “pas non plus discrimination lorsque seule une partie de la population a besoin de ces produits”. Ainsi, il n’y aurait discrimination que dans le cas d’une inégalité de traitement entre les personnes ayant besoin de ces produits, ou entre des produits similaires.  Pourtant, l’on peut se demander si les coûts liés aux protections périodiques ne créent pas une inégalité économique en soi, entre les personnes menstruantes et non menstruantes. Ensuite, le rapport met en avant la complexité de distinguer les produits d’hygiène corporelle “de base” et les “non essentiels”, qui engendrerait “des charges administratives supplémentaires”. Enfin, il ne manque pas de rappeler les “frais administratifs conséquents pour les entreprises assujetties” causés par la TVA, et la volonté du Conseil fédéral de simplifier la TVA. Il estime ainsi qu’il est plus simple de conserver une loi déjà complexe, qui plus est incohérente, plutôt que de la compléter et de la rendre ainsi plus logique.

 

La proposition doit encore être votée au Conseil national, mais la conseillère Rebecca Ana Ruiz n’est pas optimiste. “[La motion] sera sans le moindre doute refusée par la majorité hélas”, prévoit-elle. Pourtant, la peine ne serait pas totalement perdue : si la motion est refusée, il reste l’option du référendum facultatif, qui exigerait en revanche beaucoup de ressources et de motivation, puisqu’il faudrait récolter 50’000 signatures en 100 jours. Là aussi, la conseillère reste sceptique : “je vois assez mal quel organisme se lancerait dans une telle aventure au vu des coûts que cela suppose si l’on souhaite réussir à juste récolter le nombre de signatures requis”.

 

Toutefois, il ne faut pas perdre espoir. Si la Suisse est connue pour son retard d’adoption du droit de vote des femmes en 1971, il est donc possible qu’elle fasse, un jour, le pas de corriger l’incohérence discriminatoire de la Loi sur la TVA.

[1] Produits destinés à absorber ou recueillir le sang pendant les menstruations, comme les tampons, les serviettes hygiéniques, ou la coupe menstruelle

[2] Loi sur la TVA : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20081110/index.html

[3] Le rapport de la motion est disponible sur internet : https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20164061

Restez au courant de nos actualités:

S'inscrire à la newsletter

Recevez nos outils contenus media:

S'abonner à la boîte-à-outils