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Macklemore, un rappeur engagé

Macklemore, un rappeur engagé

Auteurice Iris Bouillet, 9 octobre 2017
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Le rap et les minorités peuvent-ils s’entendre ou l’un est-il condamné à déprécier l’autre ?

Publié le 9.10.2017 par Iris Bouillet

Quand on entend « rap », on l’associe rarement à une ouverture d’esprit sur les thématiques de genre, d’orientation sexuelle, de déconstruction des clichés sociaux discriminatoires en général. Le rap est-il pourtant forcément synonyme de sexisme, d’homophobie ? Est-il cantonné à être un véhicule de violence ? Ou existe-t-il plusieurs raps, ou plutôt plusieurs interprètes de ce mouvement ?

Des textes rimés et scandés, c’est la forme d’expression vocale que revêt le rap depuis les années 70. Rap en anglais, qui signifie « débiter vite, parler de manière accélérée ». Cette musique s’est imposée dans la fin du 20ème, début du 21ème siècle. En effet, s’afficher avec des rappeurs connus est même profitable dans le monde politique, par exemple lorsqu’Obama posait en compagnie de Jay-Z à la Maison-Blanche.

Visuellement et textuellement, on peut constater un sexisme omniprésent dans les chansons de rap. En effet, si l’on prête attention aux paroles, la misogynie figure parmi les thèmes dominants. Les clips présentent des femmes qui dansent en tenue légère, et jouent le rôle de mise en valeur du rappeur, de femme-objet.

Mais il faut tout de même relativiser cette perception. Si le rap est généralement perçu comme une musique d’hommes dont ils se servent pour relayer leur domination sur les femmes, la publicité qu’en font les médias « mainstream » contribue largement à cette réputation. En effet, plutôt que la qualité de l’art, ce sont surtout les controverses, les scandales, les clash entre rappeurs, qui sont communiqués. Il faut rappeler que le sexisme n’est bien évidemment pas seulement présent dans le milieu du rap, mais dans l’industrie musicale en général, et donc dans tous les genres de musique. Louise Wessbecher – journaliste française – mentionne dans son article le cas de John Lennon qui chantait dans Gettin Better : « j’étais cruel envers ma femme, je la frappais et je la gardais loin des choses qu’elle aimait ».Même les gourous pacifiques ont leur moment…

En somme, lorsque les médias mettent majoritairement en avant le sexisme dans le rap – qui est certes réel, mais ne résume pas ce mouvement – ils invisibilisent par-là même les rappeurs qui s’en distancent ou prônent carrément des propos pacifistes, œcuméniques ou féministes.

Macklemore : Des paroles et des clips à contre-courant

Des rappeurs engagés, il en existe bel et bien. Benjamin Haggerty alias Macklemore en fait partie. Actif sur la scène du rap dès le milieu des années 90, il connaît réellement un succès planétaire en 2012 lorsque, suite à son association avec le producteur, rappeur, DJ et photographe américain Ryan Lewis, sort le fameux single Thrift Shop – qui totalise à ce jour 1’117’307’441 milliard de vues sur Youtube. Cet artiste américain d’origine irlandaise offre un rap iconoclaste, qui contraste avec celui que retransmettent et exploitent massivement de nombreux médias.

Dans ses clips : des habits différents des standards machistes et stéréotypés, pas de femmes en rôle de faire-valoir ou filmées pour leur seul corps. Macklemore enfile sans gêne des tenues moulantes, colorées, pailletées, des ensembles insolites et qui passeraient pour peu virils, bousculant le prototype du « bad boy » que nombre de rappeurs se donnent.

Ce décalage avec le monde du rap, où l’argent, la drogue et le sexe semblent accaparer l’espace, se retrouve par son vœu d’une évolution plus tolérante dans le discours que véhicule ce mouvement musical. Deux chansons illustrent particulièrement l’engagement de Macklemore pour le droit des minorités.

La première, Same Love, reflète son militantisme pour la cause LGBTIQ*. Il y parle de son oncle homosexuel, de sa propre interrogation sur sa sexualité. Il y dénonce aussi les propos conservateurs faisant de l’homosexualité un choix que l’on pourrait décider d’abandonner, les propos religieux dépassés et la peur de l’inconnu que connaît l’Amérique. Il accuse aussi franchement le monde du rap d’être homophobe à travers les paroles : « If I was gay, I would think hip hop hates me ». Macklemore ne se contente pas d’interpréter cette chanson à presque tous ses concerts, il a également participé à une compagne anti-homophobie, en encourageant la lutte contre l’homophobie dans tous les milieux, que ce soit dans les médias, le rap, le sport. Et pour cause, l’artiste américain a chanté Same Love ce dimanche 1er octobre à Sydney…lors de la finale du championnat de rugby, sport traditionnellement associé à des valeurs très machistes.

Le deuxième titre, White Privilege II, parle des discriminations raciales. La chanson est un appel de la part de personnes blanches destinées à des personnes blanches. Elle vise à approfondir leur compréhension d’un système de racisme systémique et à favoriser leur engagement pour y mettre fin. Elle propose par exemple de participer au mouvement Black Lives Matter (BLM) – mouvement afro-américain luttant contre la violence et le racisme systémiques envers les personnes noires. Macklemore utilise ses privilèges, sa renommée internationale et sa richesse pour dénoncer ces mêmes privilèges et la suprématie blanche en général, accuser la violence étatique – particulièrement états-unienne – à l’encontre des personnes noires. Pour réaliser ce vidéo-clip, l’équipe de Macklemore s’est en effet directement adressée au mouvement BLM, afin de bénéficier de leurs retours et point de vue.

Un rap alternatif    

Avec des paroles étonnement peu vulgaires pour ce milieu, pas d’exhibition de billets de banque ou de signe distinctif de richesse telles que des grosses voitures – à moins que ce soit pour les dénoncer, exit les mannequins rectilignes et les femmes à moitié – voire complètement – nues, on pourrait voir se dessiner une alternative au rap généralement discriminant envers les minorités. Plusieurs des chansons de Macklemore s’engagent pour le droit des minorités, prônent un rap qui peut être festif et amusant, et pas uniquement porté sur l’argent, les bagarres ou les armes. Le rap est donc plus complexe que « fuck, bitch, tchoin » et autres termes dégradants utilisés par les rappeurs qui font l’attention spéciale de trop de médias. Il inclut aussi des rappeurs aux horizons divers et aux messages contrastés – voire opposés. Et il inclut aussi des rappeuses. DécadréE vous en parlera prochainement.

 

 

 

Sources :

LOPEZ, Joséfa. « Macklemore & Ryan Lewis, du rap engagé et festif ». In : L’Express, mis en ligne le 6 juillet 2013. URL : http://www.lexpress.fr/culture/mackemore-ryan-lewis-du-rap-engage-et-festif_1264298.html
Ju. « Macklemore, un rappeur engagé qui bouscule le hip hop ». In : Madmoizelle, mis en ligne le 1 mai 2013. URL : http://www.madmoizelle.com/macklemore-163951

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