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Viol collectif à Catane et castration chimique

Viol collectif à Catane et castration chimique


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Traiter des affaires sensibles au-delà des biais racistes

Fin janvier à Catane, Italie, 7 hommes ont participé au viol collectif d’une jeune femme. Un crime qui n’est pas le premier puisque selon les médias plusieurs viols collectifs ont été recensés en Italie ces derniers mois. L’indignation fait rage et le débat médiatique s’est ouvert sur une proposition du ministre Matteo Salvini: la castration chimique.

Comment traiter de cette actualité sans tomber la tête la première dans les biais racistes et classistes de la culture du viol, qui voudraient que tous les auteurs soient étrangers et « déviants »? Certains articles nous donnent des premières pistes.

Plusieurs médias dont Watson et Blick titrent ainsi « La castration chimique, la solution pour en finir avec les violeurs? » ou « L’Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace? ». Ces médias prennent comme point de départ un fait divers, ici le viol collectif à Catane, pour dézoommer en soulignant d’une part la récurrence des viols collectifs des derniers mois, et amener une réflexion politique, voire sociétale. Un mouvement généralement positif lorsque l’on parle de traitement médiatique des violences sexistes. Or, que peut-on dire du traitement médiatique de cette affaire en particulier?

Décryptage

Plusieurs éléments peuvent être mis en avant pour analyser le traitement médiatique des affaires de violences sexistes: le vocabulaire et les éléments de descriptions de la victime, de l’auteur et des faits ainsi que l’angle et les sources.

Or, rapidement on constate que les articles dévoilent, voire insistent sur la nationalité et le statut des auteurs du viol collectif de Catane : « Une petite fille violée par sept Égyptiens: ne me parlez pas de tolérance. Face à cette horreur, il ne faut pas être indulgent, il n’y a qu’un seul traitement: la castration chimique », écrit Watson en citant un tweet de Matteo Salvini dans le premier paragraphe de son article « L’Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace? » . Du côté du Blick, on révèle également leur statut migratoire « Ce sont des immigrants illégaux. »

Un fait qui peut avoir son importance au vue des discours des politiques puisque le débat se cristallise autour de la politique migratoire italienne, plus précisément d’une loi accordant aux réfugié-es mineur-es le droit de rester sur le sol italien jusqu’à l’âge de 21 ans.

Cependant, il questionne. En effet, des études (1997 : Madriz, 2021 : Lochon) ont montrés que les biais racistes perdurent dans la représentation des violences sexistes.

Le soir à l’extérieur dans une ruelle sombre et isolée une femme valide, blanche, jeune et belle se fait violer par un homme moche, étranger, frustré, fou et dépendant à l’alcool ou à la drogue.

Voilà schématiquement le « mythe de la parfaite agression » que décrit l’autrice américaine Esther Madriz. Cette représentation agit comme un curseur pour juger ensuite de la légitimité et de la crédibilité des autres agressions, des victimes et des auteurs.

On sait aujourd’hui, qu’il n’est pas possible de dessiner un profil type d’auteur de violence. Or, la manière dont les auteurs du viol de Catane sont décrits tend à confirmer ces biais. Plus encore, ceux-ci sont renforcés dans l’article du Blick par la description du contexte: « Ils ont eu lieu dans des rues sombres. Sur des chantiers abandonnés. Dans des entrepôts. » Or, se focaliser sur les éléments concordant avec l’agression stéréotypée invisibilise les autres situations de viols. Une chose, que l’ont descelle déjà dans le discours politique. En effet, concevoir les agressions sexuelles uniquement au travers du prisme de l’agression stéréotypées citée plus haut, empêche de concevoir comme crédibles toutes les violences et toutes les victimes, par exemple dans le cas d’agressions sexuelles dans le cadre conjugal ou par des agressions ne correspondant pas au profil stéréotypé de l’auteur.

On peut ainsi se demander dans ce cas comment équilibrer le débat en apportant d’autres éléments et ainsi permettre d’aller au-delà de ces biais.

L’article du Blick révèle aussi la nationalité des auteurs des autres agressions « A Caivano, dans la province de Naples, deux petites filles âgées de 10 et 12 ans ont été abusées pendant des mois par un groupe d’adolescents italiens. A Palerme, c’est une jeune femme de 19 ans qui a été violée plusieurs heures par des Siciliens en juillet dernier. A chaque fois, les agresseurs agissent à six ou sept. Aucun d’entre eux n’a jamais plus de 20 ans.» (1). Des informations qui tendent à déconstruire le mythe de l’auteur de violence étranger et ainsi à équilibrer le débat.

Dans son article, Watson fait le choix d’interviewer un expert, Dirk Baier, directeur de l’Institut pour la délinquance et la prévention de la criminalité de l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Il rappelle notamment les réalités sociales et non biologiques qui sont à l’origine des violences envers les femmes: « On ne devient pas délinquant sexuel juste à cause d’un déséquilibre hormonal. Leur développement s’inscrit dans un processus de socialisation à long terme. La personnalité qui se forme dès lors ne peut pas être modifiée uniquement par un traitement médicamenteux ».

Dans cet article, l’intervention d’une personne experte ainsi que la description précise de tous les cas de viols collectifs sont autant d’analyse et de faits permettant d’équilibrer et de situer le débat.

Pourtant, d’autres informations complémentaires auraient pu également apporter d’autres perspectives au débat. On peut nommer et expliciter le victimblaming (2) qu’a subit la victime du viol collectif à Palerme, puis en comparant les réactions entre Catane et Palerme, appréhender les mécanismes de délégitimation des violences et des victimes cités plus-haut. En d’autres termes, il est intéressant de voir, sans minimiser la violence des deux agressions, que celle perpétrée par des auteurs à la nationalité étrangère suscite l’indignation, tandis que l’autre suscite de vives réactions de victimblaming sur les réseaux sociaux.

Pour terminer, il nous semble important de rappeler que la castration chimique et chirurgicale a elle-même une histoire eugéniste et raciste. Rappeler cette histoire permet d’appréhender cet acte à l’aune d’une autre perspective.

POUR ALLER PLUS LOIN

(1) L’origine/la nationalité sicilienne et italienne sont soulignées par nos soins.
(2) Le victimblaming revient à rendre responsable une victime des violences subies en jugeant notamment son comportement, son habillement, son métier et “sa réputation”.

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