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Violences conjugales et emprise psychologique: les tyrans

Violences conjugales et emprise psychologique: les tyrans

Auteurice Paloma Lopez, 17 décembre 2019
Illustrateurice Manon Boschard
Type de publication Violence

Comment naissent les comportements tyranniques? Voilà la question que s’est posée Alain Ferrant, professeur de psychopathologie et psychologie clinique à l’université Lyon 2 et psychanalyste.
Une analyse des auteurs de violences conjugales et des victimes présentée dans un article en deux parties.

Selon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2013, 30% des femmes qui ont été en couple subissent des violences de la part d’un partenaire ou d’un ex-compagnon.  De plus, ¾ des femmes qui ont subi un viol sont victimes d’un proche. Toutes les deux semaines en Suisse, un individu meurt suite à des violences conjugales. En 2018, ce ne sont pas moins de 24 femmes qui ont été tuées par leur conjoint. Devant ces statistiques alarmantes, il est important d’agir.

 

«On ne naît pas tyran, on le devient»

Pour Alain Ferrant, les personnes très violentes, les tyrans comme il les appelle dans son ouvrage «Emprise et lien tyrannique», sont des «enfants détruits», dont la sortie du processus d’emprise a échoué.

 

Lorsque nous sommes bébé, dépendant de notre environnement et de notre source de nourriture, l’emprise est positive et sert à construire l’environnement ainsi que le sentiment de soi: «Le bébé doit faire simultanément l’expérience de modeler le monde et de se modeler lui-même». Le nourrisson cherche à avoir de l’emprise sur le monde qui l’entoure afin que la source de satisfaction reste à proximité. La mère, on pourrait ajouter la source nourricière du bébé, contrôle sa vie afin de garantir sa survie et son développement.

 

Mais au fil des mois, la confiance co-construite remplace peu à peu ce lien qui peut être définit comme tyrannique. En d’autres mots, c’est dans le partage et la réciprocité ainsi que par la parole, qui «médiatise et transforme les exigences du bébé» que nous apprenons tous à construire des liens sains et sortir alors, dans un temps qui n’est pas précisé par l’auteur, de ce processus d’emprise.

Parfois, cette sortie du processus d’emprise peut échouer, et ce, pour plusieurs raisons, comme l’angoisse de la séparation ou encore parce que la mère (ou la personne nourricière) refuse ou disqualifie l’autonomie naissante du bébé. Prend alors place un sentiment de terreur immense «cicatrice d’une détresse infinie» auquel le bébé, devenu désormais adulte, essaie à tout prix d’échapper. C’est ainsi qu’il devient lui-même tyran. Il projette alors cette «terreur infinie» sur son entourage pour pouvoir ainsi se sentir en sécurité. Ce processus de projection de la terreur est ce que Ferrant appelle «le meurtre narcissique». Arrivé à l’âge adulte, ces comportements ne s’amenuisent pas et et c’est très souvent sur son partenaire que la violence va se déchaîner.

Afin de séduire sa future victime, il va utiliser deux tactiques: la séduction narcissique et ce qui pourrait s’appeler la victimisation.
Dans la première tactique, la séduction narcissique, le tyran fait en sorte de devenir l’idéal dont la victime a toujours rêvé. Fin psychologue, le tyran repère facilement les failles de leur future victime et s’immisce dans leur psyché. Il leur fait croire que la relation est «une relation réelle, marquée par la réciprocité de l’échange et une intimité sans égal», ce qui est bien sûr qu’une illusion, un effet de miroir afin d’asservir la victime. Le tyran, qui s’immisce peu à peu dans la tête de sa victime, usurpe son identité et lui fait croire qu’il est comme elle: «Toi et moi, nous savons bien que…» afin de créer l’illusion parfaite.
Dans la deuxième tactique, le tyran se montre fragile et expose «un aspect de sa détresse interne», en racontant un épisode de détresse, très souvent vécu dans l’enfance et qui peut aussi très bien avoir été inventé. Selon Ferrant, cela lui permettra par la suite de se dédouaner à chaque mauvaise conduite, ayant souffert, il fait alors ce qu’il peut pour se racheter.

 

La violence est-elle prévisible ?

Dans son article,Alain Ferrant ne nous dit pas si les tyrans peuvent être soignés ou si ces comportements peuvent vraiment être modifiés par une prise de conscience. Néanmoins, selon Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste française, tout ne se joue pas dans les premières années de la vie, comme souvent avancé dans les théories issues des courants de la psychanalyse. Selon cet auteur, cela dépend aussi de l’entourage du tyran et de l’empathie que ce dernier arrive à lui faire éprouver, ce dernier n’arrivant pas à supporter la frustration. L’empathie et le besoin d’emprise sont fluctuants en fonction de l’environnement et des ressentis. C’est pourquoi, les comportements tyranniques et la violence peuvent apparaître soudainement, suite à une maladie, un licenciement, un problème personnel grave comme le souligne Tisseron.

 

Pour une meilleure prise en charge

Afin de protéger les victimes, il faut que les auteurs de violences soient mieux pris en charge et suivis par les autorités. Ces dernières années, suite à la prise de conscience collective de l’ampleur des violences conjugales, des mesures légales ont été mises en place. Dans certains cantons, comme dans le canton de Vaud, l’auteur des violences peut être immédiatement expulsé du domicile par la police pour 30 jours maximum et se voit aussi contraint de suivre un entretien avec unE spécialiste.

Par ailleurs, les violences au sein des couples hétérosexuels, homosexuels, mariés ou concubins sont pénalement poursuivies d’office depuis 2004, que ce soient des coups, de la contrainte sexuelle ou «des gestes de violences physiques ne laissant pas de traces de manière répétée ou d’un seul épisode de violence laissant une marque». De plus, dès le 1er juillet 2020, la victime ne devra plus payer les frais de procédure et le prévenu pourra être obligé par la cour de porter un bracelet électronique dès le premier janvier 2022.

 

 

Victime de violences? Liste de ressources utiles: 

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